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mercredi 8 octobre 2014

Autoliquidation de la TVA dans le BTP

Pour lutter contre la fraude fiscale des entreprises indélicates et renflouer les caisses de l’Etat, la TVA applicable aux travaux immobiliers sous-traités est désormais collectée par le donneur d’ordre. Une mesure globalement bien accueillie, mais dont l’application soulève de nombreuses difficultés pour les professionnels du BTP.

Réclamé depuis longtemps par les organisations professionnelles du BTP, le dispositif d’autoliquidation de la TVA voit enfin le jour à la faveur d’un contexte budgétaire serré, propice à l’optimisation de la collecte fiscale. Son objectif : lutter contre la concurrence déloyale de sous-traitants pratiquant des prix bas en facturant et recevant la TVA sans la reverser à l’Etat. Désormais, ce n’est plus le sous-traitant mais l’entreprise principale qui liquide la taxe applicable aux travaux immobiliers sous-traités. Si les professionnels du secteur s’accordent sur les bienfaits de la mesure, son application ne se fait cependant pas sans heurts.

Instituée par la loi de finances pour 2014 applicable au 1er janvier, l’autoliquidation n’a vu ses modalités précisées que par une instruction fiscale de fin janvier. Les acteurs ont donc découvert a posteriori les prestations effectivement incluses ou exclues du dispositif. Ce qui a remis en question certaines factures émises en janvier. Tel est le cas notamment des travaux publics, que les entreprises du secteur et les maîtres d’ouvrage publics ne soupçonnaient pas entrer dans le périmètre de l’autoliquidation au regard des termes génériques employés dans la loi (« travaux en lien avec un bien immobilier »).

Insécurité juridique

Autre difficulté soulevée : « Les travaux immobiliers pouvant être sous-traités au sens de l’administration fiscale et soumis à l’autoliquidation ne sont pas strictement les mêmes que ceux visés par la loi de 1975 relative à la sous-traitance à laquelle renvoie la loi de finances », expliquent Sophie Brenière et Pauline Maumot, avocats au cabinet Fidal. Thierry Taggiasco, directeur adjoint fiscalité de Bouygues Construction, raconte que son entreprise « a dû notamment reclassifier ses partenaires comme sous-traitants ou fournisseurs, et déterminer les activités de ses filiales rentrant ou pas dans le dispositif ». Pour Luc Chansigaud, directeur fiscal d’Eiffage, « l’instruction fiscale du 24 janvier est trop générique, elle introduit de la complexité et de l’incertitude. Par exemple, il est délicat de déterminer le régime fiscal à adopter pour les contrats globaux d’entretien où certaines prestations de nettoyage sont en lien direct avec la construction et d’autres non (nettoyage de bungalows…) ». De plus, ajoute- t-il, « le sous-traitant a désormais la charge supplémentaire de rechercher la destination de la prestation confiée en ce qu’elle concourt ou non à la réalisation d’un bien immobilier. Cette insécurité juridique est d’autant plus inquiétante qu’il risque d’y avoir des divergences d’interprétations entre les entreprises et l’administration fiscale ».

Réorganisations internes

Face à ces incertitudes, chacun a sa recette. Certains donneurs d’ordre ont décidé de ne pas conclure de contrat de sous-traitance en janvier, ou autoliquident dans le doute au regard des lourdes sanctions encourues. D’autres communiquent avec la direction de la législation fiscale pour dissiper les doutes sur l’application de la mesure. Enfin, les entreprises forment leur personnel administratif à déterminer le régime applicable aux contrats, contrôler les factures selon les nouvelles règles et respecter les obligations déclaratives en matière de TVA. Il leur faut aussi adapter leurs outils comptables et informatiques. Les maîtres d’ouvrage publics, lorsqu’ils payent directement les sous-traitants (voir exemple p. 24), doivent faire de même. « Le dispositif implique des points de contrôle supplémentaires sur les factures, détaille Laurent Rose-Hano, secrétaire général de l’Association des comptables publics. Nous attendons les adaptations techniques de Helios, l’application informatique des collectivités, pour comptabiliser les nouvelles modalités d’enregistrement de la TVA. » Mais tout cela prend du temps, et les professionnels du secteur redoutent des effets négatifs sur les délais de paiement.

Autre effet pervers de la mesure : elle crée une perte de trésorerie pour les entreprises n’intervenant qu’en sous-traitance, car elles sont rémunérées HT alors qu’elles payent leurs fournitures TTC. « L’autoliquidation par le preneur risque de l’inciter à sous-traiter, voire d’encourager la sous-traitance en chaîne, pour récupérer de la trésorerie par le biais du décalage de la TVA », pointe Renaud Marquié, délégué général du Syndicat national du second œuvre (SNSO). Le malheur des uns faisant le bonheur des autres, l’autoliquidation procure en effet au donneur d’ordre un apport en trésorerie temporaire, « d’autant plus que les frais financiers liés à la caution bancaire du paiement du sous-traitant baissent (celle-ci étant désormais assise sur un montant HT) », explique Luc Houlbracq, directeur administratif et financier chez Les Maçons Parisiens.

Mobilisation

Face à ces divers problèmes, les fédérations se mobilisent. La FFB demande à la Direction générale des finances publiques (DGFIP) « de faire preuve de pédagogie et de souplesse lors des contrôles fiscaux ». Pour la FNTP, « il est essentiel de maintenir un accompagnement des entreprises, et de mieux informer les maîtres d’ouvrage publics et les services décentralisés de l’administration fiscale dans les mois à venir ».
Le SNSO propose, lui, de revoir le dispositif afin que la TVA soit autoliquidée par le maître d’ouvrage afin de rétablir l’égalité entre donneur d’ordre et sous-traitant.

Facturation  - Le paiement direct du sous-traitant par le maître d’ouvrage, un exercice délicat

En marché public ou privé, le sous-traitant qui bénéficie d’un paiement direct de ses travaux par le maître d’ouvrage, se voit désormais payer le montant HT de sa facture adressée au nom de l’entreprise principale. A charge pour l’entreprise principale, dans sa déclaration mensuelle de TVA, de distinguer deux opérations : l’opération liée à son rapport contractuel avec le sous-traitant et l’opération liée à son rapport contractuel avec le maître d’ouvrage. La difficulté réside dans le fait que le paiement du sous-traitant par le maître d’ouvrage doit être considéré comme effectué : HT dans les rapports de l’entreprise principale avec son sous-traitant du fait du nouveau dispositif d’autoliquidation, mais TTC dans les rapports de l’entreprise principale avec le maître d’ouvrage, puisque dans cette relation contractuelle la TVA continue d’être facturée par l’entreprise principale.

Exemple à l’appui

Une entreprise et un maître d’ouvrage concluent un marché public d’un montant de 100 000 euros HT (+ 20 000 euros de TVA au taux normal de 20 %). L’entreprise confie l’exécution d’une partie du marché à un sous-traitant (accepté par le maître d’ouvrage), pour un montant de 50 000 euros HT (+ 10 000 euros de TVA au taux normal de 20 % qui seront collectés par l’entreprise principale).

Que doit faire le sous-traitant ?

• Il adresse au maître d’ouvrage sa demande de paiement avec l’original de la facture libellée au nom de l’entreprise principale en montant HT du marché (50 000 euros), sans faire apparaître de TVA mais avec la mention « Autoliquidation ». Le maître d’ouvrage paiera 50 000 euros au sous-traitant.
• Sur sa déclaration de TVA du mois au cours duquel il a été payé par le maître d’ouvrage, le sous-traitant mentionne sur la ligne 05 « Autres opérations non imposables » : le montant HT des travaux réalisés (50 000 euros).

Que doit faire l’entreprise principale ?

• Sur sa déclaration de TVA du mois au cours duquel le sous-traitant a été payé par le maître d’ouvrage, elle doit :
> autoliquider la TVA sur les travaux qui lui sont facturés par le sous-traitant, de la manière suivante :
- ligne 02 « Autres opérations imposables » : le montant HT des travaux facturés par le sous-traitant (50 000 euros) ;
- ligne 08 « Taux normal 20 % » : le montant de la TVA à autoliquider (10 000 euros) ;
- ligne 20 « Autres biens et services » : le montant de la TVA déductible (10 000 euros).
> collecter la TVA sur les travaux réalisés au profit du maître d’ouvrage, à concurrence du paiement direct effectué, qui s’entend comme un montant TTC (41 667 euros HT + 8 333 euros de TVA), de la manière suivante :
- ligne 01 « Ventes, prestations de services » : le montant HT des travaux facturés au maître d’ouvrage (41 667 euros) ;
- ligne 08 « Taux normal de 20 % » : le montant de la TVA collectée (8 333 euros).
• Pour solder le marché, l’entreprise devra envoyer au maître d’ouvrage une facture de 100 000 euros HT + 20 000 euros de TVA, soit un montant de 120 000 euros TTC desquels elle retranchera les paiements TTC déjà effectués (soit 41 667 euros HT + 8 333 euros de TVA).
Le maître d’ouvrage devra donc effectivement payer lors de la réception de la facture un montant de 70 000 euros TTC (58 333 euros HT + 11 667 euros de TVA).

L’administration fiscale s’organise - Une foire aux questions pour répondre aux difficultés

« Le principe de l’autoliquidation de la TVA était plébiscité par les fédérations professionnelles elles-mêmes dès le début de l’année 2013 », rappelle la Direction générale des finances publiques (DGFIP). « C’est pourquoi elles ont été reçues à plusieurs reprises et étroitement associées tant à l’élaboration du texte de loi qu’à la rédaction des commentaires administratifs », précise la DGFIP. « Comme pour toute nouvelle mesure, poursuit-elle, des questions remontent et nous y apportons des réponses circonstanciées. » Elle a d’ailleurs rencontré la FFB et la FNTP le 20 mars pour améliorer le dispositif mal appréhendé par les entreprises. La FFB, la FNTP et la Capeb vont ainsi créer une foire aux questions que l’administration va alimenter et rendre publique. « Des précisions pourront également, le cas échéant, être apportées dans les commentaires administratifs », indique la DGFIP, qui souligne aussi que « des solutions existent pour régulariser des situations, notamment via une déclaration rectificative sans pénalités ».

Sous-traitance en chaîne - L’autoliquidation, comment ça marche ?

Champ d’application
• Les contrats de sous-traitance concernés par l’autoliquidation sont ceux conclus à compter du 1 er janvier 2014 ou tout autre document permettant d’établir, à cette date, l’accord de volonté entre l’entreprise principale et son sous-traitant pour la réalisation des travaux sous-traités et leur prix. Attention : les prestations fournies en exécution de bons de commande, d’avenants ou de levée d’option de tranches conditionnelles postérieurs au 1 er janvier relatifs à des contrats-cadres ou des contrats de sous-traitance signés avant cette date, sont exclues du dispositif.
• Echappent au dispositif les contrats portant sur des prestations intellectuelles (bureaux d’études, économistes de la construction…), la location d’engins et de matériaux de chantiers, la fabrication de matériaux ou d’ouvrages spécifiques sans pose, ainsi que les opérations de nettoyage prévues par un contrat de sous-traitance spécifique.

Fonctionnement
• Le sous-traitant facture ses prestations HT à l’entrepreneur principal, lequel collecte et reverse la TVA applicable à ces prestations.
• Le sous-traitant collecte par ailleurs la TVA applicable aux prestations de son propre sous-traitant, et ainsi de suite dans la chaîne de sous-traitance. Chaque sous-traitant est en effet considéré comme donneur d’ordre à l’égard de ses propres sous- traitants.
• Le donneur d’ordre qui n’autoliquiderait pas la taxe due au titre des prestations sous-traitées est sanctionné par une amende de 5 % du montant de la TVA. Inversement, si le donneur d’ordre autoliquidait à tort la taxe, le sous-traitant peut alors se voir réclamer la taxe par l’administration fiscale.

Textes de référence
• article 283, 2 nonies du Code général des impôts institué par la loi de finances pour 2014 du 29 décembre 2013 ;
• document fiscal du 24 janvier 2014 relatif à l’autoliquidation (II-H § 531-538 du BOI-TVA-DECLA-10-10-20-20140124) ;
• document relatif au champ d’application de la TVA, qui définit les « travaux immobiliers » (II-A § 20 et suivants du BOI-TVA-CHAMP-10-10-40-30).


L’administration vient d’apporter des précisions sur les modalités de facturation incombant aux différents opérateurs lorsque, en cas de sous-traitance, certains travaux sont réalisés par l’entreprise principale elle-même.
Dans le cas de paiements directs des sous-traitants par le maître de l’ouvrage (code des marchés publics, art. 116), délégation de paiement ou action directe, ce dernier paye, au nom et pour le compte de l’entrepreneur principal (le donneur d’ordre), directement le sous-traitant pour la marché dont il assure l’exécution. Par conséquent, le maître de l’ouvrage paye le sous-traitant sur une base hors taxe et l’entrepreneur principal autoliquide la TVA. 

L'exemple donné par l’administration dans sa doctrine (BOFiP-TVA-DECLA-10-10-20-§ 538-26/12/2014) illustrant la situation des relations entre le maître d'ouvrage, l'entreprise principale et le sous-traitant pour l'application de ce dispositif est complété afin de prendre en compte les travaux qui sont réalisés par l'entreprise principale elle-même.
BOFiP actualités, 26 décembre 2014

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