Les faits. Une entreprise a sollicité un important remboursement de crédit de TVA en décembre N, ce a conduit l'administration à vérifier ponctuellement sa comptabilité, puis à lui notifier un redressement annulant la quasi totalité de ce crédit en janvier N+2 et enfin à lui accorder un remboursement minime (de l'ordre de 1%) en juillet N+2.
La société n'a pas saisi le juge de l'impôt dans le délai de recours contentieux, à savoir le délai de 2 mois décompté à partir de la date à laquelle l'administration s'est prononcé sur le demande du remboursement initiale (laquelle est assimilée à une réclamation), c'est-à dire à compter de juillet N+2 en l'espèce (CGI art. R 199-1). Elle a en revanche adressé à l'administration une nouvelle réclamation en mai N+2 pour obtenir le remboursement d'une fraction de ce crédit de TVA, demande qui a fait l'objet d'un rejet en octobre N+2. Cette décision de refus a été contestée devant le juge de l'impôt, lequel a été saisi en décembre N+2. Le tribunal administratif, puis le Cour administrative d'appel ont rejeté la demande et l'affaire a été portée devant le Conseil d'État.
Une demande de remboursement d'un crédit de TVA doit être traitée comme une réclamation. Pour être recevable, une réclamation relative à la TVA doit être présentée au plus tard le 31 décembre de la 2ème année suivant la mise en recouvrement ou le versement de l'impôt (CGI, PLF, art. R*196-1 a et b) ou encore la réalisation de l'événement qui motive la réclamation (CGI, PLF, art. R*196-1 c). Le Conseil d'État juge qu'un redevable peut utilement se prévaloir de ce dernier délai pour présenter une nouvelle demande de remboursement d'un crédit de TVA, alors même qu'il n'a pas contesté, dans le délai de deux mois, la décision par laquelle l'administration a rejeté sa première demande de remboursement au motif de l'annulation de ce crédit. Il annule sur ce point le jugement de la cour administrative d'appel.
Par ailleurs, si un contribuable qui a fait l'objet d'une procédure de reprise dispose d'un délai égal à celui de l'administration pour présenter ses propres réclamations (CGI, LPF, art. R*196-3), la société ne peut bénéficier de ce délai du seul fait que l'administration, saisie d'une demande de remboursement de crédit de TVA, procède à un contrôle de la comptabilité du contribuable avant de se prononcer sur cette réclamation afin d'en apprécier le bien-fondé.
La publication d'une nouvelle doctrine n'ouvre pas le délai de réclamation. Une instruction fiscale, qui se borne à exprimer l'interprétation formellement admise par l'administration, à la date de son édiction, de la règle de droit fondant l'imposition, ne peut constituer un événement de nature à rouvrir un délai de réclamation, alors même qu'elle donnerait de cette règle une interprétation différente de celle contenue dans les instructions fiscales en vigueur au moment du fait générateur de l'imposition en litige.
Incompatibilité avec une règle de droit supérieure. Enfin, la Haute Assemblée se prononce sur l'article L. 190 du livre des procédures fiscales (dans sa rédaction applicable à l'époque des faits), qui permettait de rouvrir le délai de réclamation à partir d'une décision révélant l'incompatibilité avec une règle de droit supérieure de la règle de droit dont il a été fait application pour fonder l'imposition.
Seuls ceux des décisions et avis rendus au contentieux par le Conseil d'État, la Cour de cassation, le Tribunal des conflits et la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) qui révèlent directement l'incompatibilité avec une règle de droit supérieure de la règle de droit dont il a été fait application pour fonder l'imposition en litige sont de nature à constituer le point de départ du délai dans lequel ces réclamations sont recevables.
Si, en principe, tel n'est pas le cas d'un arrêt de la Cour de justice concernant la législation d'un autre État membre, une telle décision constitue également un événement de nature à motiver une réclamation portant sur cette période dans l'hypothèse où elle révèle, par l'interprétation qu'elle donne d'une directive, la transposition incorrecte de cette dernière en droit français. En revanche, une décision ou un avis qui se borne à retenir une interprétation des dispositions du droit de l'Union ou du droit national dont il a été fait application pour fonder l'imposition contestée différente de celle jusqu'alors formellement admise par l'administration dans ses instructions ne peut constituer le point de départ de ce délai, dès lors que l'imposition ne saurait être fondée sur l'interprétation de la loi fiscale que l'administration exprime dans ses instructions.
CE 30 décembre 2013, n° 350100
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire